Les chroniques littéraires
par JH ROCH
Entre 2009 et 2014,
JH ROCH a publié une chronique littéraire mensuelle pour
La Belle Vie 50+
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Chronique littéraire La Belle vie 50+
Septembre 2009
Le chant des fées
Rêver la couleur, imaginer l’estompe
Le premier roman de Alessandro Cassa est une succession de tableaux poétiques où évoluent des personnages, particulièrement des femmes, dont les silhouettes se marient aux décors, se fondent dans le climat, se teintent des couleurs de leurs sentiments.
Comme dans un rêve, l’action se déroule dans des lieux aussi divers que le château de Versailles, un taudis montréalais, un manoir à Ottawa en passant par la vallée de Covey Hill et ce sur un siècle et demi. Les séquences sont courtes, identifiées dans le temps et les lieux, et chevauchent les époques dans un apparent désordre.
La construction du roman est complexe mais pourtant, il suffit de se laisser bercer par le rêve pour garder la main sur le fil d’Ariane qui vous amènera lentement mais sûrement au dénouement du livre. La combinaison de la tension dramatique et du monde onirique est particulièrement réussie : on dévore ce livre ou plutôt, on le hume, mais goulûment, à la trace, sans vouloir s’interrompre.
Les femmes dont il est question dans ce livre connaissent des parcours exceptionnels mais cependant douloureux. Conduites par l’amitié plus que par les devoirs familiaux, elles ont toutes exercé des choix qui ont laissé des empreintes indélébiles sur leur existence.
Il en est ainsi de Rose, la diva qui, à la veille de recevoir la première et seule vraie reconnaissance de sa carrière et de son génie à plus de quatre-vingt-dix ans, se retrouve ébranlée par la question toute simple d’une journaliste, Jane, elle aussi ambitieuse et capable d’une très grande carrière. Aux côtés de la diva, de l’entre-deux-guerres à maintenant, Alicia Dumburry, qui avait cru poser un jour un geste irrémédiable mais a pourtant eu la force d’inverser le destin. Et que dire de Gloria, une femme qui a déjoué les déterminismes de la misère et de la pauvreté, matérielle et intellectuelle, et qui s’est mise elle-même au monde.
Alessandro Cassa pourrait nous faire croire à un roman à l’eau de rose, car eau de rose il y a, ou à un conte de fées, car fées il y a. Mais ses personnages de femmes, habitées par l’ambition, poussées par l’admiration sincère de leurs proches, vivent intérieurement les grincements de la mécanique qui lutte pour les enrôler dans leurs destinées d’épouses et de mères. Coincées, elles devaient choisir. Elles le doivent et le devront.
Deux autres tomes sont à venir, comme un merveilleux rêve récurrent.
Le chant des fées
par Alessandro Cassa
Tome 1 : La diva
188 pages
Éditions Guy Saint-Jean