Les chroniques littéraires
par JH ROCH
Entre 2009 et 2014,
JH ROCH a publié une chronique littéraire mensuelle pour
La Belle Vie 50+
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Mai 2010
Le temps d'un été
Par JH Roch
Le jeune Rodrigue nous livre ses souvenirs d’une époque où l’Oratoire était en construction, les films de plus en plus parlants, le téléphone partagé avec des écornifleux sur la ligne et la religion omniprésente.
Cet été-là, Rodrigue Philion est un beau et studieux garçon de quatorze ans. L’école est fini et il travaille sur la ferme familiale où habite également la grand-mère, force matriarcale qui fait la pluie et le beau temps dans la maison. Augustin, le frère ainé de Rodrigue, revient du Séminaire pour les vacances et pour aider aux champs.
Son village, Saint-Jean-de-Capistran, a bien sûr son curé, son médecin, son notaire, sa maîtresse de poste et son chef de gare. Il bénéficie également de séances de cinéma, d’honnêtes boutiques et d’une maison abandonnée et supposément hantée que la mairie veut faire détruire. La maison de cette Gretcha qui un jour avait fui son foyer et son mari au bras d’un certain Jérémie, oubliant derrière elle une boîte en fer remplie de papiers que généralement on ne laisse pas derrière soi.
Rodrigue a encore un pied dans l’enfance et tous ces mystères romantiques, comme l’exemplaire doré sur tranche de L’Île au trésor qu’il ‘louera’ a un camarade d’école plus fortuné que lui, appelle son imagination à comprendre le monde des adultes, hommes et femmes surtout, qui par amour ont les comportements les plus louables ou les plus troublants. L’éternel féminin, derrière l’écran pudique de la religion, est-ce Manon Lescaut ? Est-ce la Dame aux Camélias ?
Comme, par exemple, cette belle Madame Bourdon, la voisine, qui écoute des records toute la journée pendant que son mari travaille sans relâche. Paulette Bourdon trouve bien des charmes aux fils Philion, particulièrement Augustin, qui n’est pas encore prêtre et qui se laissera entraîner dans la grange, en secret, l’été durant.
Richard Dignard raconte d’un ton pressé, éclipsant les pronoms pour livrer son histoire plus vite, glanant le plus de détails possible tout en courant vers le destin funeste de ses personnages comme s’il ne servait à rien de traîner en chemin lorsque l’inévitable est devant nous.
Cette histoire est notre mémoire, à nous quinquagénaires, sinon c’est la mémoire de nos parents, leurs souvenirs de guerre, de labeurs, d’entraves morales et de solidarité devant un monde qui changeait et qui nous changeait, nous, enfants de l’après-guerre.
Usant d’une belle vigueur dans l’écriture tout en gardant sa plume au service des pensées d’un adolescent qui laissera sa naïveté en route, Richard Dignard a écrit là un témoignage important de notre culture québécoise. C’est un beau livre attachant, comme s’il était de notre famille.
Le temps d’un été
par Richard Dignard
275 pages
Édité par l’auteur